Les coupures et les réductions de débit en cas d’impayés ont été interdites par la loi au Royaume-Uni en 1998 et en Irlande plus récemment. En France, il en est de même depuis peu dans le cas des résidences principales mais il reste encore de nombreux délégataires pour contester l’interdiction des réductions de débit pourtant rappelée par le Gouvernement.
Depuis 2007, les coupures d’eau en cas d’impayés étaient interdites si elles visaient des personnes démunies bénéficiaires du fonds de solidarité pour le logement (FSL) mais autorisées pour les autres usagers. En 2011, le Ministère du développement durable interrogé sur la question des réductions de débit a précisé: "L’article 1er du décret (n° 2008-780) interdit de réduire le débit de fourniture d’eau aux abonnés en situation d’impayés, alors qu’une telle mesure est autorisée pour la fourniture d’électricité". Cette déclaration ministérielle a été totalement ignorée par de nombreux distributeurs qui ont continué à pratiquer des réductions de débit. Ainsi à Lyon, il y a eu plus de 1 000 réductions de débit en 2014. À la suite de la loi Brottes (2013), l’interdiction des coupures a été généralisée en 2014 à tous les usagers domestiques. Celle-ci est officiellement admise par les distributeurs, représentés par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), mais des coupures sont encore pratiquées actuellement malgré leur illégalité reconnue de tous. Concernant l’interdiction des réductions de débit, la FP2E en conteste encore le bien-fondé.
En 2015, les distributeurs soucieux des effets de l’interdiction des réductions de débit sur l’équilibre économique des services se sont adressés à l’Assemblée nationale comme au Sénat pour qu’ils rendent légales les réductions de débit en cas d’impayés chez des usagers non démunis. Après débats, les élus ont choisi de ne pas autoriser les réductions de débit prises par un distributeur en cas d’impayés sans le moindre contrôle externe préalable. Dès la fin 2015, les réductions de débit sont devenues moins fréquentes, les grandes régies ayant décidé d’abandonner cette pratique. En revanche, certains délégataires ont continué à restreindre le débit d’eau à un maigre filet en cas d’impayés chez des usagers en capacité de payer leurs factures d’eau comme chez des usagers démunis. Le décret cité ci-dessus est donc toujours ignoré par plusieurs délégataires. En 2016, le Tribunal d’instance de Limoges saisi en référé à la suite d’une réduction de débit a confirmé l’illégalité de cette pratique. La Saur condamnée a décidé de fait appel et la Cour d’appel de Limoges par un arrêt du 15 septembre 2016 a considéré que les réductions de débit qui aboutissent à ne laisser couler qu’un filet d’eau ne sont pas permises. Cet arrêt se base sur une décision du Conseil constitutionnel du 30 mai 2015 qui reconnaît que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un "objectif de valeur constitutionnelle". Il précise que : "Le débit (de 22,6 litres par heure) ne peut être considéré comme permettant une utilisation normale de l’eau courante dans le logement et pouvant satisfaire la condition relative au caractère décent de celui-ci". La Cour d’appel a conclu que la réduction de débit pratiquée pat la Saur constitue un trouble manifestement illicite. De même, des entreprises du groupe Veolia ont été condamnées en référé en 2016 à la suite de réductions de débit. Ainsi en mars 2016, le Tribunal d’instance d’Avignon a conclu à l’existence d’un trouble manifestement illicite (débit résiduel de 15 l/h) comme d’ailleurs l’avait fait le Tribunal d’instance de Puteaux dès janvier 2016.
En mai 2016, le Gouvernement interrogé par une parlementaire sur la question des réductions de débit a répondu: "En l'état actuel des textes, la réduction de débit d'eau n'est pas non plus autorisée" dans le cas d’impayés. Il ressort des différents jugements rendus en France que tout distributeur qui couperait l’eau ou qui réduirait fortement le débit d’alimentation pour motif d’impayés dans une résidence principale serait dans son tort. En juin 2016, une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée auprès de la Cour d’appel de Nîmes pour soutenir que les réductions de débit en cas d’impayés ne seraient pas conformes à la Constitution. Un arrêt est attendu en novembre 2016. Actuellement, un certain nombre de coupures et réductions de débits continuent d’être pratiquées en France malgré leur interdiction. En septembre 2016, les deux ONG : Coordination Eau-IDF et France Libertés ont reçu en moyenne deux plaintes par jour pour violation de l’interdiction des coupures et réductions chez des usagers ayant des difficultés à payer leur eau. D’autres violations ont sans doute eu lieu chez des usagers qui ont trop tardé à payer leur eau.
Rien n’indique que les actions devant les tribunaux français en cas de coupures ou de réduction de débit soient appelées à cesser. En attendant, la jurisprudence se confirme arrêt après arrêt. Vienne le jour où aucun délégataire ne demandera plus à un maire l’autorisation de faire ce qu’un décret interdit expressément : réduire le débit d’eau jusqu’à rendre un logement invivable. Le principe de la dignité de la personne humaine, principe cardinal de l’ordre constitutionnel européen, n’est pas garanti lorsque le débit d’alimentation en eau est trop faible.